samedi 14 octobre 2017

Avner Bar Hen Liens entre mathématiques et musique. L'exemple de Pierre Boulez

Liens entre mathémPendant longtemps la musique fut considérée comme une science au même titre que l’astronomie ou la géométrie. Parmi les nombreux mathématiciens qui se sont penchés sur les problèmes musicaux on peut citer par exemple Pythagore (580 av. J.-C. - 495 av. J.-C.), Galilée (1564-1642) , Descartes (1596-1640) ou Euler (1707-1783). Voyons donc en quoi Arnold Schönberg (1874-1951), Iannis Xenakis (1922 - 2001) ou Pierre Boulez (1925-2016) ont révolutionné la musique.

Depuis les temps très anciens, Il est admis que deux sons joués ensemble, simultanément ou l’un après l’autre, donnent une impression harmonieuse. Cependant Pythagore  fut celui qui lança l’idée que la musique pouvait s’"expliquer mathématiquement".  La légende raconte qu’il découvrit le lien entre la musique et les nombres, au détour d’une promenade, en passant devant une forge. Il remarqua que la note produite par le marteau lorsqu’il frappe l’enclume ne dépend que de la masse de celui-ci. Plus le marteau est léger, plus le son est aigu. Dans un langage moderne, la fréquence de la note est inversement proportionnelle à la masse du marteau. En soupesant les marteaux, Pythagore s’aperçut que l’intervalle entre deux notes ne dépendait que du rapport entre leurs masses. Cette simplicité vint conforter les pythagoriciens que l’Univers était régi par les nombres.  Pour eux la musique était « l’art du nombre rendu audible » et donc classée parmi les sciences (voir ici, ou  ).

Sans titre.png
Les pythagoriciens ont proposé une échelle musicale avec des intervalles constants. Un gros avantage est de pouvoir changer la note de départ sans altérer la gamme : la gamme de do et la gamme de sol sont rigoureusement identiques. Sans rentrer dans les détails ici cette gamme ne prend pas du tout en compte l'harmonie. Il y a donc eu un long travail pour proposer la gamme actuelle au XVIIIè siècle (voir ici pour plus de détails).  On parle de gamme tempérée :
Note Do Mi Fa Sol La Si Do
Rapport d0=1 d2 d4 d5 d7 d9 d11 d12=2
 La valeur 12 √d est appelée le demi-on chromatique.

xenakis.png
A partir de la fin du XIXe siècle la musique savante occidentale connaît une véritable révolution. Les artistes de la Seconde école de Vienne (ici) comme Arnold Schoenberg, Alban Berg (1885-1935) ou Anton Webern (1883-1945), s’élèvent contre le « diktat » de la tonalité, c'est-à-dire le principe d'une musique basée sur des accords et leurs successions. Si on analyse une œuvre (classique, variété, rock, etc..), on remarque que les fréquences d’apparition  des notes de la gamme varient fortement. et ont donc un rôle plus important. C’est une caractéristique de la musique tonale. Pour tourner le dos définitivement à la musique tonale, Arnold Schoenberg invente le sérialisme. La brique de base d’une pièce est une suite de douze sons où chaque note de la gamme chromatique est utilisée exactement une et une seule fois. L'ordre des douze sons est libre mais l’œuvre est  atonal car tous les sons sont autant représentés. On peut donc parler de « démocratie » sonore contre « tyrannie de la dominante ».

De manière pratique, on commence par associer à chaque note de la gamme tempérée un nombre entre 0 et 11.
Note  Do Do# Ré# Mi Fa Fa# Sol Sol# La La# Si
Nombre  0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Ensuite il faut choisir une permutation. Par exemple S = 10  0  6  7  5  1  4  2  3 11  9  8. On peut ensuite continuer soit avec la série miroir (12-S = 2 12  6  5  7 11  8 10  9  1  3  4) ou la série dans l'autre sens (S' = 8  9 11  3  2  4  1  5  7  6  0 10) ou bien en ajoutant k tons (par exemple S+2 = 0  2  8  9  7  3  6  4  5 1 11 10)
Messiaen-Boulez.jpg
Ces recherches des Viennois connaissent un franc succès après la Seconde Guerre mondiale grâce à des compositeurs comme  Olivier Messiaen (qui a généralisé la notion de suite non seulement aux notes mais au rythme, à l'intensité aux attaques) puis Pierre Boulez (resp. à gauche et à droite sur la photo ci-dessus) qui contribue à faire du sérialisme un principe majeur de la création musicale. On assiste à l'arrivée d'un formalisme en musique qui prend tout son sens avec l'arrivée de la musique assistée par ordinateur. L'idée de mathématiser la musique a donc une très longue histoire dont la musique sérielle est une étape. Étape qui vient de perdre l'un de ses grands noms.




  • Olivier Messiaen n'a jamais été "élève" de l'école de Vienne.
  • C'est juste (et donc corrigé). Merci pour la précision



    • Bonjour,

      Article très intéressant. On a tendance à dire que les personnes qui aiment les mathématiques ont un esprit cartésien, et que les personnes appréciant l'art, la musique ont un esprit créatif. Ils aiment donc soit l'un soit l'autre. C'est donc amusant de savoir que c'est un compositeur qui a fait le lien entre la musique et les mathématiques.
    Les commentaires sont fermés.


    Avner Bar-Hen, professeur du Cnam Chaire "Statistique et données...

    SPONSORIS













































  • Cet article devrait plutôt s'intituler plaidoyer pour la...
  • Un article partisan pour ne pas dire manipulatoire, qui...
  • On ne sortira pas de cette polémique tant que : 1. tous...
  • Le consentement éclairé du patient est un principe...
  • La loi dit que : « Une intervention dans le domaine de la...
  • Comment peut on etre a ce point stupide pour croire...
  • Très bon article. En complément, voici quelques pages...
  • hola
  • "Analyse des contributions...": Titre parfaitement...
    • La dernière vidéo de Matt Parker (Stand Up Math)...



    Avner Bar-Hen



  • Aucun commentaire:

    Enregistrer un commentaire