La musique et son dompteur. Par JHB

On nous demande « qu’est-ce que la musique contemporaine ? »

Nous répondrons non pas que c’est une musique dissonante mais que c’est une musique qui prend des risques, qui dompte les sons laissés à l’état sauvage.

Par comparaison, la musique classique nous apparait comme une musique qui ne s’exercerait que sur des sons déjà domestiqués et qui manquerait singulièrement d’audace, tel un bateau qui ne s’éloignerait guère des berges

La musique contemporaine nous apparait comme une musique qui lance des défis au compositeur, à l’improvisateur et c’est ce qui la rend exaltante pour l’auditeur comme s’il se trouvait en face d’un jongleur ou d’un funambule, se demandant à chaque instant si le « joueur » ne va pas se casser la figure.

Entendre jouer un compositeur contemporaine authentique, c’est pouvoir apprécier la façon dont il se sort des piéges qu’il se tend à lui-même, comment il va s’en sortir.

Celui qui a pris goût à la musique contemporaine, au sens où nous l’entendons, ne peut que trouver, par comparaison, bien morne, bien fade, toute musique dont les sonorités seraient trop sages et qui n’est pas la résolution de problémes

Le vrai compositeur de musique contemporain, qui est maître de son art, vit en permanence dans la dialectique du son qui répond à un autre son, qui trouve une parade comme en art martial, à l’escrime.

Dans le cas de ‘l’improvisation, qui est l’expression, la manifestation la plus remarquable de cette tension, de ce suspense, la réplique doit être trouvée en quelques secondes voire quelques dixiémes ou centièmes de secondes.

De ce point de vue, la musique que nous présentons (pour piano et wiss) illustre assez bien un tel manifeste. Le compositeur doit réagir au « lancer » de notes généré par le piano, comme le ferait un chasseur avec sa carabine face à un lâcher de cibles, réelles ou artificielles.

Pour nous, la musique en vigueur est une musique inventée pour des gens qui n’ont pas la musique dans le sang et qui ne se hasardent que sur un terrain parfaitement balisé comme un aveugle dans un espace qui lui est familier et qui lui permettra de faire illusion.

Pour nous, moins le compositeur dispose d’un bagage musical théorique et plus il est apte à affronter les casses têtes musicaux les plus complexes en laissant son cerveau et son corps mener le jeu. Nous sommes, on l’aura compris, en faveur d’une musique antérieure à toute codification et à tout langage stéréotypé. Mais le résultat obtenu doit être satisfaisant, le compositeur doué est comme un cavalier, dans un rodéo, parvenant à contrôler sa monture au point de faire oublier à quel point celle-ci était récalcitrante et imprévisible.

JHB

18. 10.10 Paris.