Le statut du geste chez l’homme et chez la femme
Par Jacques Halbronn
Pour la femme, le geste est lié au toucher, c’est un geste
vers l’autre alors que pour l’homme, le
geste est signal visuel qui n’implique pas la même proximité, qui peut garder sa distance. Il reste que le geste est
un acte commun aux deux sexes, par-delà
les différences de sens.
Chez les femmes, on joint le geste à la parole tandis que chez les hommes, le geste
est à décrypter contextuellement
et par lui-même. Dans un cas il faut un rapport de proximité voire d’intimité d’exclusivité,
dans l’autre, l’on peut « toucher »
un public plus large et plus lointain. On a rappelé dans un précédent texte que
les femmes sont marquées par un mode de vie ancestral clos alors que les
hommes sont dans un rapport social
large, une dynamique de partage. La question de l’infidélité à un seul et
unique partenaire n’aura donc pas le même sens.
Le geste de l’homme –on l’a dit- n’implique pas de toucher
physiquement qui que ce soit mais plutôt de le toucher moralement,
intellectuellement, ce qui passe par une sublimation.
La musique, avons-nous dit ailleurs, est fonction d’une gestuelle et ne saurait
être séparée du corps dont elle émane, qui la produit. En ce sens, on parlera d’une
danse à propos de tout acte musical. Est-ce qu’il y a musique, s’il n’y a pas
eu préalablement danse, mouvement ?
Pour nous la création musicale passe en effet par une
dynamique corporelle, impliquant les mains et/ou les pieds, au contact d’un
support ou se servant mutuellement de support (applaudissements)/ La musique
serait liée au son du contact de mon corps avec ce qui lui est extérieur mais
que j’incorpore pour un temps.
C’est pourquoi la musique doit être un spectacle visuel et
ne saurait se présenter sans l’image de celui ou de ceux qui la produisent.
Mais l’on pourrait tout à fait montrer le mouvement du corps, des mains, des
pieds, en dehors de tout son secrété. La
musique serait un sous- produit de la danse et en fait le mot « musique »
(muse) pourrait désigner la danse.
D’où l’intérêt de filmer l’acte musical et même dans les
salles de concert, il n’y a pas que l’acoustique
qui compte mais aussi sinon davantage la visibilité (cf. Michel Foucauld sur le panoptique). Les mains
du pianiste doivent notamment être reprises sur écran car elles instruisent un
ballet tout autant que les chorégraphies qui privilégient les membres inférieurs.
Les mains permettent de n’avoir qu’un seul opérateur comme si chaque doigt était
un personnage spécifique alors que dans le ballet « classique », on
est dans la multiplicité des acteurs. En ce sens, le concerto
met en scène deux « ballets », celui du soliste et celui de l’orchestre,
étant entendu que les mains du soliste accèdent
à une pluralité.
On aura compris que
le langage articulé, codifié, dicté par la pratique commune de telle ou telle
langue est étranger, selon nous, à la musique car ce langage n’est pas
accessible immédiatement. La musique n’a aucunement besoin du langage « oral »,
au sens commun du terme même si elle est elle-même ‘langage » mais d’ordre
visuel, le son ne faisant sens que par rapport au visuel dont il émane puisque
c’est par le geste que sort le son. A la limité, le fait qu’il y ait ou non son
est du même ordre que l’acte sexuel « accompli » ou non, jusqu’à son « terme ».
On peut imaginer une gestuelle qui n’accéde pas au son ou dont le son serait
supprimé par la technique. On « coupe » le son ou on le limite à une
vibration sourde.
En ce sens, la musique et les arts plastiques ne sauraient s’opposer
puisque la musique dispose d’une plastique par le biais d’une gestuelle, d’une
danse, d’une chorégraphie.
Accorder de l’importance au son c’est féminiser la musique,
c’est la rendre accessible à l’aveugle, c’est
une forme de braille pour mal voyants qui ne passe pas par le toucher
mais par la vue. En fait, le langage oral est du braille lequel ne fait sens
que pour celui qui est malentendant en sus d’être malvoyant. On peut même dire
que la lecture d’une partition est déjà en soi, pour celui qui s’y connait, un
spectacle en soi constitué de « signes ». On rappellera simplement
que les femmes sont rares dans la production artistique en général du fait qu’elles
ne captent pas la gestuelle visuelle et qu’elles ne font que la deviner par l’expédient
du son qui n’est qu’un épiphénoméne.
JHB
01.
07. 14
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